Du 28 Septembre au 3 novembre 2024
Pascale Théorêt-Groulx
passage obligé ~ bound flow
vernissage : samedi 28 septembre, à partir de 16h
Fruit d’une année de résidence de recherche au Centre Adélard, en collaboration avec le Lake Champlain Basin Program (Vermont), l’exposition passage obligé ~ bound flow de Pascale Théorêt‑Groulx est une exploration artistique des impacts des barrages implantés sur les rivières affluentes de la Baie Missisquoi.
Pascale Théorêt-Groulx s’intéresse au barrage comme objet de réflexion, à la fois pour sa dimension symbolique dans l’histoire du Québec, pour son aspect physique de contenant et pour sa fonction de contrôle de l’environnement. À travers un ensemble d'œuvres vidéo, sonores et sculpturales, l’artiste nous invite à une réflexion profonde sur le partage des ressources hydriques avec l’ensemble du vivant et les conséquences des activités humaines sur la vie des rivières.
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L’exposition passage obligé ~ bound flow de Pascale Théorêt-Groulx se présente comme le résultat d’une étude questionnant l’impact des barrages sur la santé des rivières affluentes de la Baie Missisquoi. Invitée par Adélard avec le soutien du Lake Champlain Basin Program (Vermont), l’artiste a eu l’opportunité de mener un processus de recherche-création étendu sur plus d’un an tout en bénéficiant d’un dialogue avec des experts scientifiques responsables de la conservation des eaux. Durant plusieurs mois, elle a effectué une collecte de données en mesurant les propriétés de l’eau en amont et en aval de quatre barrages situés sur la rivière aux Brochets et sur la rivière Missisquoi.
Avec assiduité et curiosité, l’artiste s’est prêté au jeu difficile de la recherche de terrain comme l’aurait fait une écologue. Dans chacun des environnements sélectionnés pour étude, des images vidéo et des sons sous-marins ont été enregistrés, aux mêmes moments que les collectes de données - correspondant à la température, l’oxygène dissous, la turbidité et la conductivité des cours d’eau entravés. L’ensemble a servi de matière première dans la création d’une installation immersive.
Présentée à l’étage de la grange d’Adélard, cette œuvre déstabilisante procure l’expérience paradoxale de se sentir exister dans un tout enveloppant bien qu’inaccessible. La cacophonie de bulles, de cliquetis et de vibrations paraît découler d’une perception augmentée de l’environnement sous-marin. Les multiples canaux sonores de l’installation sont arrangés spatialement pour représenter, d’un côté, les bruits de l’eau avant les barrages, et, de l’autre côté, les bruits après. Mais les règles qui régissent cette organisation ne nous sont pas explicites, pas plus que les paramètres suivis par l’artiste pour programmer l’interaction entre sons et données. Néanmoins, les échantillons acoustiques indiquent de manière audible des fluctuations qui paraissent attester de certains impacts de ce « passage obligé » sur les propriétés de l’eau et son état de santé. Tout se passe pour stimuler notre attention à cet environnement qui cache potentiellement sous ses beautés bleues-vertes une situation inquiétante.
passage obligé ~ bound flow est une interprétation artistique de données brutes (encore) non examinées par la science. En effet, l’exposition n’offre pas l’image claire des résultats d’une étude scientifique, mais ce faisant, elle attise plutôt notre intuition vers ce qui doit être compris au-delà du visible. Certes, Pascale Théorêt-Groulx partage des préoccupations écologiques sur l’avenir de nos habitats hydrologiques, mais ces préoccupations sont animées de réflexions philosophiques qui en changent l’objet. D’ailleurs, son projet s’éclaire de manière significative lorsqu’on considère que la méthode au cœur du processus de collecte est une sculpture-outil qui a été conçue sur mesure, avec une intention poétique et expérimentale allant bien au-delà des visées fonctionnelles.
À l’étage de la grange, il est possible d’admirer cette sculpture-outil que l’artiste surnomme affectueusement Mini barrage flottant. Celle-ci représente en miniature un barrage à contreforts qui dériverait sur un rocher solitaire. Cette image, et la précarité physique réelle qu’elle induit lors des collectes dans l’eau vive, font de Mini barrage flottant une métaphore forte. Non seulement, Mini barrage flottant incarne la fragilité humaine face à la nature et la perte de contrôle qui vient souvent avec elle, mais par sa construction l’artiste s’associe à l’ingénieur d’ouvrage et à la démesure qui motive ce type de « grand projet ». Par ailleurs, la sculpture-outil prend la forme d’un automate programmé dont la structure et la séquence d’actions rappelle celles d’un organisme en interaction avec son milieu de vie. Cette stratégie donne à voir Mini barrage flottant en analogie de l’humain et de son rapport au monde – un rapport qui, malgré les outils de la science, demeure naturellement fragmentaire.
L’aspect insondable de passage obligé ~ bound flow se trouve donc là : dans ce désir de l’artiste de nous représenter les limitations de notre connaissance et de nos tentatives d’atteindre la vérité. L’être humain peut détourner des cours d’eau, mesurer les contrecoups de ses actions puis chercher à réparer ce qu’il avait détruit en premier lieu. Il peut également observer la rivière pour en appréhender les aspects insoupçonnés et déterminer la posture d’équilibre à adopter devant les pouvoirs de son courant. L’exposition est un appel à rester humbles et à l’écoute, à mobiliser tout notre corps pour comprendre le monde qui nous entoure de manière sensible sans ignorer les énergies fluctuantes et contradictoires qui animent nos désirs. Nous ne sommes pas en contrôle, car la rivière est une cible en mouvement et il n’y a que notre relation à elle qui pourra perdurer.[1]
[1] Paraphrase. Robin Wall Kimmerer (2013). Braiding Sweetgrass, Milkweed Editions (Minneapolis), p. 336.
Information pratique
L’exposition est présentée à la grange Adélard du vendredi au lundi, de 12h à 17h.
Entrée libre.
Biographie
Pascale Théorêt-Groulx est originaire de Gatineau où elle a obtenu un baccalauréat Ès Art avec majeure en arts visuels de l’UQO. En 2014, elle a terminé une maitrise en arts médiatiques à la Emily Carr University of Art + Design, à Vancouver, pour laquelle elle a reçu une bourse d’études supérieures Joseph- Armand-Bombardier du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada. Elle a été artiste en résidence au Banff Centre en Alberta, à DAÏMÔN à Gatineau, à Pigment Sauvage à Baltimore, au Vermont Studio Center, à L’Atelier Silex à Trois-Rivière puis à la Fonderie Darling à Montréal. Son travail a été présenté dans plusieurs expositions individuelles et collectives notamment à la Fonderie Darling, au Centre Clark, à DARE-DARE et à la Galerie B-312 à Montréal, à Verticale à Laval, à la Galerie Karsh-Masson à Ottawa, à AXENÉO7 à Gatineau, puis au ICA à Baltimore.
En 2021, elle débute ses recherches sur les barrages pour lesquels elle a obtenu une résidence d’artiste à la Fondation Grantham ainsi qu’une Bourse du Conseil des arts et des Lettres du Québec pour un voyage à la Manicouagan.
PARTENAIRES
Ce projet a été financé en totalité ou en partie par la Great Lakes Fishery Commission (GLFC) dans le cadre d’un accord d’assistance au NEIWPCC en partenariat avec le Lake Champlain Basin Program.
L’artiste remercie également Avatar pour son soutien dans ce projet.